Discours lors de la grève féministe du 14 juin 2023
- devargasamuel
- 14 juin 2024
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Faire de la politique en tant que femmes, c’est admettre que rien n’arrive tout seul et être prête à lutter car la politique est encore trop souvent une affaire d'hommes! C’est donc accepter de surmonter une montagne d’obstacles sociétaux, institutionnels et culturels. Mais c’est aussi, accepter de devenir une femme qui dirige, une femme qui est légitime à prendre la parole et des décisions sur des sujets complexes avec humilité, admettre qu’elle peut se tromper et que pour autant sa place n’est pas remise en question. La femme a un rôle stratégique dans les processus institutionnels autant pour les négociations politiques que pour rééquilibrer les forces qui dirigent ou orientent notre société. Nous, toutes et tous, je dis bien toutes aussi ! car le sexisme ou le pa/maternalisme n’est pas réservé qu’aux hommes, nous devons faciliter la participation des femmes aux mécanismes de décision !
S’engager en politique, dans un exécutif ou un législatif, sans intégrer les conseils d’administration ou autres organes décisionnels et bien, passez-moi l’expression, mais c’est comme « pisser dans un violon ». La législation suisse prévoit d’ailleurs qu’il y ait une part de 30% de femmes dans les conseils d’administration et de 20% de femmes dans les directions pour les entreprises de plus de 250 employés. Or en 2021, la proportion moyenne s’en approchait que timidement, sans jamais la dépasser. Nous sommes trop loin du compte, et 30% ce n’est pas la parité malgré ce que certains veulent nous faire gober !
Nous les femmes ne devons pas négliger les postes d’influence et de pouvoir dans le champ économique et les domaines techniques. Nous devons investir ces postes avec la même assurance que les fonctions politiques. On le sait l’économie suisse a beaucoup de retard dans la féminisation des postes de direction ou dans les Conseils d’administration.
La réalité c’est qu’il y a toujours une grande inertie aux changements de comportements sociétaux, même après l’entrée en vigueur de lois ou décrets. Nos revendications sont donc loin d’être abouties et les investissements que nous menons paieront à terme et ce pour une société plus juste et durable.
La triste réalité ce que notre lutte se fait contre un système qui s’auto-alimente : les inégalités ont naturellement tendance à se réinstaller dans notre quotidien si nous ne les combattons pas, elles s’infiltrent aussitôt. Pourquoi nous nous mobilisons aujourd’hui !?! parce que la défense pour l’égalité n’est jamais acquise ! Dès que nous baissons la garde, les réflexes, même inconscients, reviennent et c’est l’ensemble de l’équilibre démocratique et sociétal qui est mise à mal.
En tant que Municipale d’une des plus grandes villes du canton, dont le dicastère est principalement masculin, des remarques ou des gestes sexistes j’en ai reçu, parfois de manière inconsciente et consciente, de façon subtiles et parfois moins. Mais ces remarques ne viennent que très rarement de qui a une sœur, une fille ou une femme engagée et sensible sur l’équité de traitement et l’égalité des chances. C’est pour cette raison, que ce combat-là, pour l’égalité des genres et des chances en général, nous le gagnerons que si nous, toutes, nous nous engageons, à dire NON aux demandes qui ne nous conviennent pas, à diffuser ce message, à défendre celles qui n’ont pas cette chance.
Nous nous devons aussi de maintenir un engagement féministe dans tous les postes ou fonctions qu’ils soient politiques ou apolitiques pour que notre représentation soit garantie et que ses places ne soient pas toujours attribuées à l’autre sexe
Durant mon parcours professionnel, Des « attends je t’explique comment ça marche », j’en ai connu pas mal et même quand il s’agit de Mobilité, ma thématique de prédilection on veut m’expliquer ce que je dois faire encore aujourd’hui:
des « tu es sure que tu n’as pas besoin de vacances, tu as l’air fatiguée ? »
des « votre participation au Conseil d’administration n’a pas fait l’unanimité même si la ville est principal actionnaire » dans un Comité de 15 hommes bien ancré et décidé à y rester.
des « madame, s’il ne comprends pas un NON c’est certainement culturel »
…et après tout ça, toute cette énergie mise pour recadrer et défendre son intégrité personnel en tant que femme, il ne faut pas oublier de remettre l’ouvrage sur le métier pour poursuivre le combat pour nos idées, pour nos valeurs, trouver les moyens pour les mettre en œuvre, comprendre les codes et réussir à entrer en négociations, aller chercher des alliés (car souvent minorisées) et développer des stratégies, pour que nous puissions nous aussi avoir un bilan et des résultats, et ne pas devoir tout recommencer dans 5 ans.
Et, sans parler, de la 2e vie qui commence, cette fois-ci dans la sphère privée, avec ses propres combats qui sont aussi capitaux ou la charge mentale pèse bien trop sur nous toutes. Etre une femme ne doit pas se résumer à être minorisée par un système dysfonctionnel, mais bien à avoir notre place en son cœur pour une société plus juste, égalitaire et durable.
Et c’est bien là que le slogan de la grève féministe prend tout son sens : du temps, de l’argent et du respect ! Le chemin est encore long mais c’est ensemble que nous construirons une société plus violette encore.